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Rencontre avec Jérôme Gautheret, correspondant pour le journal Le Monde en Italie

Dernière mise à jour : 2 mai 2022

Jeudi 4 avril, nous avons eu la chance de rencontrer Jérôme Gautheret, journaliste depuis 20 ans au sein du journal Le Monde et aujourd’hui son correspondant basé à Rome.


20 ans de carrière au journal Le Monde…


Après avoir été responsable éditorial du magazine mensuel du Monde pendant près de deux ans, il co-dirigea le service international du même journal pendant cinq ans, et depuis six ans, il occupe le poste de correspondant à Rome. Son travail consiste à couvrir l’actualité italienne dans tout le pays, depuis la frontière autrichienne jusqu’à Lampedusa (au nord de la Tunisie).



Journaliste italien à Paris VS. Journaliste français à Rome


Le correspondant basé à Rome n’aura certainement pas la même approche journalistique qu’un correspondant basé en Italie.

D’après le journaliste, un correspondant d’un journal italien à Paris ne pourra que très rarement sortir de la couronne parisienne, tout simplement parce que les lieux de pouvoirs et sièges des grandes entreprises sont généralement réunis dans la capitale (à moins que l’actualité ne contraigne ce dernier à se rendre au Mont st Michel, au festival de Cannes, ou de suivre un candidat en pleine campagne).

A l’inverse, bien que Rome soit une ville extraordinaire, elle ne bourdonne pas d'actualités qui font la Une pour autant. En Italie, les pouvoirs sont assez dispersés dans le pays. Si les grands événements se passent généralement à Rome, c’est avant tout pour son cadre idyllique qui permet d’en mettre plein la vue, mais la réalité de l’Italie ne se résume pas à la beauté de ce musée à ciel ouvert. L’aspect attractif et productif de l’Italie est nettement plus visible au nord (Lombardie, Piémont…) - le journaliste nous explique par exemple qu’il passe nettement plus de temps à Milan, cœur économique du pays, qu’à Rome. Être correspondant à Rome c’est finalement être perpétuellement en voyage, les dynamiques locales étant très différentes.


Comment s’y prendre pour couvrir un sujet sur la mafia quand on est journaliste ?


En Italie, la mafia est extrêmement développée. Elle est certes basée dans le Sud mais par la force des choses, elle s’est largement mondialisée aujourd’hui telle de vraies multinationales, à l’image de Microsoft aux Etats-Unis. Lorsqu’un journaliste exerce son métier en Italie, être en mesure de suivre et de couvrir l’actualité sur la mafia s’avère essentiel. Mais comment s’y prendre ? Jérôme Gautheret prend l’exemple de la mafia calabraise…


Les mafias sont nées de groupes de personnes qui s’arrangent pour faire tourner la société basée sur une terre en l’absence de son propriétaire. Au fil des années, ces sociétés sont devenues pleinement autonomes et indépendantes de leurs propriétaires, donnant naissance aux fameuses mafias.

C’est à partir des années 1950-60 que la mafia calabraise procède à des enlèvements (jusqu’au montagnes du Piémont) en échange de rançons payées par les familles des victimes. A mesure de gagner d’importantes sommes d’argent, la mafia calabraise s’en est servie pour acheter de la drogue qu’ils ont ensuite revendue.

La source du problème d’après le journaliste repose sur la faiblesse du développement économique omniprésent dans de nombreuses régions d’Italie. Face à un taux de chômage extrêmement élevé, parfois supérieur à la moyenne, s'engager dans la mafia apparaît comme l’unique solution pour lutter contre la pauvreté. Sans amélioration de la situation économique de certaines régions du Sud de l’Italie, l’influence de la mafia ne peut que s’accroître. La crise financière de 2008 l’illustre parfaitement : l’inaction de l'État italien vis-à-vis des répercussions de la crise aura finalement permis aux mafias de s’enrichir financièrement et de maintenir le pouvoir vis-à-vis de l’Etat. Finalement, la mafia n’est que le fruit d’une défaillance de l’Etat au niveau économique.


La difficile gestion de la crise de confiance dans les médias


Les raisons qui expliquent la méfiance grandissante vis-à-vis des journaux et des médias en général, sont nombreuses.

Premièrement, pour le journaliste, il est important de réaliser à quel point Internet, par son algorithme de ranking, renforce les positions dominantes de certains journaux, contrairement au kiosque qui offre aux citoyens une diversité extrêmement large de points. En France par exemple, Le Monde en fait partie du haut de ses 400 000 abonnés numériques aux côtés du Figaro. Or, plus la position du journal est dominante, plus ce dernier est accusé de complotisme et de désinformation. Mais le problème ne s’arrête pas à cela. Le caractère anxiogène d’une information pousse aussi les individus à s’en méfier par souci d’incohérence, d’insécurité, d’instabilité.

Mais pour M. Gautheret, cette médiance n’est certainement pas le fruit d’une crédulité croissante des individus aujourd’hui. Elle résulte avant tout d’un besoin permanent de se rassurer face à un avenir qui paraît incertain, instable.

Face à cette avalanche de notifications et l’abondance d’informations à laquelle nous sommes confrontés au quotidien, il nous est difficile de prendre le recul nécessaire pour et de ne choisir qu’une seule source d’informations. D’autant plus que les réseaux sociaux offrent à qui le veut la possibilité de s’exprimer publiquement et de diffuser massivement une information. Face à tant de bruits et d’incohérences, les individus se renferment dans leurs propres opinions pour tenter de se rassurer et ne parviennent plus à démêler le vrai du faux, d’où l’importance et la nécessité de l’éducation aux médias dès le plus jeune âge.


Aujourd’hui, Jérôme Gautheret est installé à Rome avec sa famille et ne s’imagine pas quitter le pays de si tôt. Merci à lui de nous avoir partagé avec tant de passion son métier de journaliste. Nous lui souhaitons une belle continuation.

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